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jeudi 8 décembre 2016

Obnubilation, voiles et comment s'en débarrasser ?


Extrait de La transmission de la double armure du Sceau universel (tib. phyag chen go cha gnyis kyi man ngag)

Nous sommes obnubilés par trois choses. L'obnubilation par les connaissables (sct. jñeyāvaraṇa) empêche de voir le sens (sct. artha). L'obnubilation par les passions (sct. kleśāvaraṇa), c'est le désir etc. L'obnubilation par l'agir (sct. karmāvaraṇa), c'est agir à partir (sct. samutthāpitaṁ) des passions. Les dix actes négatifs en sont le fruit.

Pour se débarrasser de ces trois [obnubilations], tous les Amis (sct. kalyāṇamitra) kadampa ont d'abord purifié les deux [obnubilations par les passions et l’agir], et ont purifié l'obnubilation par les connaissables subsidiairement (tib. zhor la).

Mais mon mentor Mila disait :
« D'abord on purifie l'obnubilation par les connaissables. Si elle est purifiée, les deux [autres obnubilations] sont enchaînées (tib. sgrog) et s'équilibreront naturellement (tib. rang brdal).[1] Tant qu'elle n'est pas purifiée, c'est comme avec un arbre aux branches taillées, [les trois obnubilations] reprendront. Mais si l'obnubilation par les connaissables est purifiée, c'est comme avec un arbre déraciné, elles ne reprendront plus. »
Les deux ont raison. Les Amis [kadampa] ont raison : si on n'est pas libre de l'agir et des passions, il est impossible d'atteindre l'éveil. Le mentor a raison : si l'on méprise les connaissables, on a beau épuiser les [deux obnubilations par l'agir et par les passions], au moment où l'obnubilation ordinaire par les connaissables resurgit, elle laissera des traces (sct. anuśaya).

Elle y restera mélangée, comme dans un mélange d'eau et de lait. Ce qui se manifeste sans être objectivé ne produira pas d'effet immédiatement. Car son essence est gnose. Comme la cause de la gnose est la nature vertueuse, elle se passe d'un ensemencement et d'un semeur.

C'est à partir des traces (sct. anuśaya), que la conscience différenciatrice se produit.
Extrait d'un sūtra[2] :
« La conscience différenciatrice est profonde et subtile,
Toutes les graines y descendent comme le courant d'un fleuve
. »
Sa profondeur est insondable. Sa subtilité est invisible. C'est en elle que sont semées les graines des traces (sct. anuśaya).

Par exemple, si l'on veut essuyer de la saleté de son visage, on se regarde dans une glace. Le visage surgit en face, mais sans être allé en face. Ce visage n'est pas réel, mais il n'est pas non plus non-existent. De même, les graines des traces conscientes qui ont été semées, au moment de rencontrer un objet [réifié] feront se manifester leur fruit "en face". Mais sans que la conscience soit réellement allé "en face". Rien n'est sortie de la conscience [différenciatrice], et rien ne s'est produit sans elle.

C'est parce que la conscience différenciatrice s'arrête [à un objet réifié] en se manifestant, qu'elle est appelée conscience différenciatrice. Quand on a vu la vérité du premier niveau spirituel (sct. bhūmi), on lui donne comme nom "obnubilation par les connaissables", et l'on s'en débarrasse par la pratique (sct. bhāvanā-prahāṇa), pas autrement.

La manière pour s'en débarrasser ressemble à de l'alchimie (tib. gser 'gyur gyi rtsi). Lorsqu'un morceau de fer, qui a depuis toujours été de l'or[3], est recouvert de la pierre philosophale (tib. rtsi) par un artisan, la part de fer diminue, et la part d'or augmente. À la fin il deviendra de l'or.

De la même façon, les connaissables (sct. jñeya), qui ont depuis toujours été de la gnose, sont révélés comme telle par les instructions du mentor, et la part de connaissable cesse, tandis que la part de gnose (sct. jñāna) se manifeste progressivement. À la fin, le continuum (tib. rgyud) sera entièrement authentique.

Pour ceux qui suivent les perfections, le sens perçu par le Chemin de la vision est pratiqué jusqu'au dixième niveau spirituel (sct. bhūmi). À la fin du courant du dixième niveau spirituel, c'est en s'appuyant sur l'absorption semblable au Foudre (sct. vajropamasamādhi), que la conscience différenciatrice [contenant] des graines de l'agir cesse, et qu'au deuxième instant qui s'ensuit, le corps réel (sct. dharmakāya) de plénitude universel (sct. mahāsukha) se manifeste pour toujours.

Pour les adeptes de l'ésotérisme, qui pratiquent la Lumière manifeste comme une méditation, les manifestations [de la Lumière] cesseront au premier temps de l'état intermédiaire [de la mort], et ils resteront dans la Lumière naturelle.

S'ils sont incapables d'y rester, ils n'auront pas réussi à purifier l'obnubilation par les connaissables (sct. jñeyāvaraṇa). L'obnubilation par les passions (sct. kleśāvaraṇa), elle, est déracinée par le triple entraînement[4]. L'obnubilation par l'agir (sct. karmāvaraṇa) est purifiée par la compréhension.

Comme il est difficile de trouver les bonnes conditions, il est très important pour commencer de trouver un Ami qui montre que la vacuité est le Repos. »

***

[1] On retrouve la même terminologie dans les écrits de Pamodroupa.

[2] Il s’agit d’un sutra cittamātra, dont le titre tibétain est Phung po lnga'i rab tu byed pa bye brag tu bshad pa, et le titre indien Pañca-skandha-prakaraṇa-vaibhāṣa, un commentaire sur le Pañca-skandha-prakaraṇa de Vasubandhu. L’auteur du commentaire est Sthiramati (blo brtan). L’équipe de traduction : Jinamītra, Śīlendrabodhi, Danaśīla et les traducteurs tibétains Ye-shes sde. toh: 4066. Citation complète : yang dgongs pa nges par 'grel ba'i mdo las kyang / len pa'i rnam par shes pa zab cing phra// sa bon thams cad chu bo'i rgyun bzhin 'bab// bdag tu rtog par gyur na mi rung zhes// 'di ni byis pa rnams la ngas ma bstan//.

[3] Je ne vois pas quelle théorie permet de dire cela. Dans la cosmologie bouddhiste du mahāyāna, la base terrestre est de l’or pur. Peut-être tout ce qui la recouvre est de la même nature, mais en un degré moindre ?

[4] Ces trois éléments sont restés les trois piliers du bouddhisme. On les appelle "les trois entrainements supérieurs" (tib. lhag pa'i bslabs pa gsum), "les trois agrégats" (P. trisikkhā = khandha) ou encore "les trois beautés" dans le bouddhisme cambodgien. L'éthique (tib. tshul khrims P. silā-khandha sct. śilā) bouddhiste se résume en l'abstention de tout mal. La concentration (tib. bsam gtan P. samādhi-khandha sct. dhyāna) procure la stabilité mentale nécessaire à la connaissance lucide de la réalité (tib. shes rab P. paññā-khandha sct. prajñā). Ensemble, ils constituent l'enseignement du Bouddha (sct. Buddhadharma), qui peut se réduire aux quatre vers suivants :
"L'abstention de toute nuisance
L'accomplissement du bien
La purification de sa propre pensée
Tel est l'enseignement des Éveilles."


Texte tibétain en Wylie

sgrib pa ni gsum las shes bya'i sgrib pa don ma rig pa yin/
nyon mongs pa'i sgrib pa ni 'dod chags la sogs pa' o/

las kyi sgrib pa nyon mongs pas kun nas bslangs nas/ mi dge ba bcu spyad pas 'bras bu 'byin pa de' o/

de gsum spong ba la/ dge bshes bka' gdams pa kun/ sngon du gnyis po sbyangs pas/ shes sgrib zhor la byang gsung*/

bla ma mi la'i zhal nas/ sngon du shes bya'i sgrib pa sbyong*/ de 'byongs na gnyis po sgrog rang brdal zhes bya/ ma 'byongs na sdong po yal ga bcad pa dang 'dra ste yang skye/ shes sgrib 'byongs na sdong po rtsa ba bcad pa dang 'dra ste skye rgyu med gsung*/

de gnyis ka bden/ dge bshes pa bden te/ las dang nyon mongs pa ma bral na sangs rgyas thob pa'i thabs med/ bla ma bden te/ shes bya la ko long ma gsol na/ gnyis po zad kyang shes sgrib so skye'i dus na bag la nyal zhes bya/ chu dang 'o ma 'dres pa bzhin gnas/ yul dang bral nas snang gi_/ 'phral du rnam smin mi 'byin/ de'i ngo bo ye shes yin te/ ye shes rgyu dge ba'i rang bzhin yin pas/ sa bon gdab bya 'debs byed med/ bag la nyal de las rnam shes la bya ste/

mdo las/
rnam par shes pa rnams ni zab cing phra/
sa bon thams cad chu bo'i rgyun bzhin 'bab/
ces gsungs pas/

zab pa ni gting mi rnyed pa' o/ phra ba ni mi mthong ba' o/ de la bag la nyal gyi sa bon 'debs pa ni/

dper na/ rang gi gdong pa la tshon dkar nag gnyis byugs nas/ me long la bltas pas/gdong pha gir shar ba de/gdong pa pha gir 'phos pa ma yin/gdong pa (20na)dngos min te/med par ma song ba de bzhin du/ rnam shes bag chags kyi sa bon btab pas/yul dang 'phrad pa'i dus su/'bras bu pha gir snang ba de/ rnam shes pha gir 'phos pa ma yin/rnam shes las g.yos pa med de/med par ma byung*/ rnam shes 'gags shing gsal bas ni rnam shes shes bya' o/

sa dang po'i bden pa mthong nas/ ming du shes bya'i sgrib par btags te/ de spong ba ni bsgoms pas spong ba las/ gzhan gyis mi spong*/

de spong ba'i thabs ni/ gser 'gyur gyi rtsi dang 'dra ste/ lcags rdog po cig la ye nas gser yin pa la/bzo bos rtsi byugs pas/lcags je chung la song*/gser je che la song nas/mthar gser gyi rang bzhin du 'gyur r o/

de bzhin du/shes bya la ye shes kyi rang bzhin ye nas yod pa la bla ma'i man ngag gis mtshon nas/
shes bya rim gyis 'gag_/ye shes rim gyis gsal du song nas/tha mar rgyud dag pa'i rang bzhin du 'gyur r o/

yang pha rol tu phyin pa'i 'dod pa ni/mthong ba'i lam gyis ji ltar mthong ba'i don de/sa bcu'i bar du goms par byas pas/sa bcu rgyun gyi tha ma rdo rje lta bu'i ting nge 'dzin la brten nas/las srid pa'i sa bon rnam shes 'gags nas/skad cig ma gnyis pa la bde ba chen po chos kyi sku dus thams cad du chad pa med pa mngon du gyur pa yin gsung*/

gsang sngags pa ni/bsam gtan gyi 'od gsal la goms par byas pas bar do dang po'i dus su snang ba 'gags nas/rang bzhin gyis 'od gsal la gnas pa' o/der gnas ma nus na/da rung shes bya'i sgrib pa ma 'byong pa yin/

nyon mongs pa'i sgrib pa ni/bslab pa (20ba)gsum gyis rtsad nas gcod/las kyi sgrib pa rtogs pas 'dag par byed d o/de la dal 'byor rnyed dka' nas mgo btsugs nas/stong nyid rnal mar ston pa'i dge ba'i bshes gnyen cig 'tshol ba gal che' o/

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